Si nos ancêtres les gaulois craignaient que le ciel ne leur tombât sur la tête, une nouvelle croyance semble vouloir se propager : celle que l’argent pouvait tomber du ciel. L’état disposerait de quelques propriétés miraculeuses, la capacité de générer des richesses en dehors de toute contingence économique.
La course à l'échalote.
Un manque de culture économique et financière à l’origine de ce hiatus ? Pas du tout. Une simple spécificité du genre humain, son égocentricité. La revendication du « j’ai droit à » chez l’adulte, transposition intellectualisée et édulcorée du « je veux » chez l’enfant, a, qui plus est, le mérite de porter ses fruits. L’adulte enfant qui criera le plus fort aura davantage de chance d’obtenir la partie congrue du gâteau, surtout s’il dispose d’un pouvoir de nuisance sur ses coreligionnaires. L’absence de conscience collective n’est pas choquante chez les individualistes de tout crin. Elle l’est davantage chez tous ceux qui s’appuient sur des discours socialement équitables pour en tirer un profit particulier.
La patate chaude.
Pour assurer les services que chaque citoyen s’estime en droit de recevoir de l’État, l’impôt fait office de juge de paix. En son absence, le rêve du « j’ai droit à » se transformera en cauchemar entrainant la faillite de l’Etat providence. L’impôt, ce pestiféré, serait donc paradoxalement le seul poison capable de nous sauver ? Mais qui doit cracher au bassinet ? Les personnes qui se plaignent de payer trop d’impôt peuvent etre classées en deux catégories : les hommes et les femmes ! On en paie trop signifie en réalité « j’en paie trop par rapport aux autres ». Quant à ceux qui n’en paient pas du tout, quoi de plus naturel en somme !
Prends l'oseille et tire-toi.
Un peu plus de 10 % des Francais paient environ 90 % de l’impôt sur le revenu total collecté. Ces chiffres significatifs plaident en faveur d’une délocalisation massive des contribuables portant sur leur dos le tribut d’autrui. D’autant plus que l’image de ces bienfaiteurs est négative auprès de ceux qu’ils sponsorisent. Une raison ou un prétexte supplémentaire pour prendre la poudre d’escampette sans état d’âme. L’impôt agit finalement comme un véritable miroir déformant, altérant la capacité de réflexion des plus sensés ainsi que leur niveau de conscience. L’acteur américain Arthur Godfrey résumait assez bien la situation non sans humour : « Je suis fier de payer des impôts. La seule chose, c’est que je pourrais être tout aussi fier avec seulement la moitié de la somme. »
Les pissenlits par la racine.
Au cours de ces trente peu glorieuses dernières années, des mesures désordonnées et opportunistes ont été prises pour tenter sans succès de colmater la brèche des déficits. Cette situation nous ramène à une question élémentaire en amont : combien sommes-nous prêts à payer pour maintenir notre train de vie, notre confort, notre niveau de protection sociale, nos avantages soi-disant acquis ? Dans quel type de société voulons-nous vivre objectivement avec les avantages et les inconvénients qui s’y rattachent ? Cependant, quels que soient les choix librement consentis, l’impôt inoculé à dose démesurée nous tuera plutôt que de nous immuniser. A force de faire preuve d’aveuglement ou d’idéologie stérile, la prédiction de Frédéric Dard se réalisera : « Un jour est proche où nous n’aurons plus que l’impôt sur les os. »