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LES RACINES DE LA SPÉCULATION

La spéculation prêtait à sourire lorsqu'elle ruinait sans coup férir et de façon circonscrite ses propres pisteurs. À la fois relais de croissance et centre vital de profit pour les banques, elle est devenue l'épicentre de l'économie. Les victimes ne sont plus seulement les spéculateurs eux-mêmes mais les ménages sur lesquels le risque est transferé sans même qu'ils en soient avisés !

 

Histoire de spéculer.

Étymologiquement, le mot « spéculation » provient du latin speculari qui signifie observer. Les spéculateurs étaient à l'origine de simples observateurs des mouvements de la vie. « Il n'est d'action plus noble de notre entendement que la spéculation des choses naturelles, une spéculation désintéressée ignorante de tout utilitarisme », écrivait Aristote. La spéculation resta ainsi une notion essentiellement philosophique et inoffensive pendant vingt-deux siècles, jusqu'à ce que les philosophes et économistes du Siècle des Lumières fassent une OPA sur ce mot en l'investissant d'un tout autre sens.

 

Les fleurs du mal.

La première spéculation ressentie est celle de la tulipe dont le prix avait grimpé comme un haricot en 1637. La floraison des premiers marchés à terme et le symbole de la tulipe comme signe extérieur de richesse, tel qu'il avait germé dans l'imaginaire de la fine fleur de la société hollandaise, explique l'envol de ces pétales. Avoir son champ de tulipes ou se faire envoyer sur les roses par les gens du monde ! Sociologiquement, les bourgeois cossus préférèrent le bourgeon. Des bulles et des bulbes ou le syndrome de la « tulipomania ». Un bulbe de tulipe se vendait l'équivalent de vingt fois le salaire annuel d'un ouvrier. Certains, comme le bien nommé Semper Augustus, jusqu'à trois fois le prix d'un Rembrandt ! Les prix s'effondrèrent plus rapidement qu'ils étaient montés comme dans toute spéculation qui se respecte.

 

L'argent n'a pas d'odeur.

Quelques siècles plus tard, l'histoire est en train de se répéter sous d'autres bulbes. Au pays du riz, le prix de l'ail ne vient-il pas de grimper de plus de 600 % ? A l'origine de cette poussée, une croyance : cette plante guérirait la grippe H1N1. Le virus de la spéculation pour contrer celui de la maladie ! Les spéculateurs chinois courent aujourd’hui à perdre haleine pour acquérir des champs d'ail. Certains arbitrent même leurs investissements immobiliers pour des plantations d'ail reniflant des profits plus rapides. Quand les vents tourneront... Espérons que les banques ne soient pas une nouvelle fois plantées.

 

Antidote.

La bulle n'est-elle pas finalement le propre de l'homme ? Des bulles protectrices et merveilleuses du monde de l'enfance à celles de l'univers de l'argent où, le temps d'un rêve, on a l'impression de maîtriser l'aléa de la vie ? Quel individu le plus sage et le plus précautionneux soit-il ne s'est pas mis un jour en bulle financière ? Lorsque la peur de ne pas gagner domine la crainte de perdre, lorsque le sentiment d'être le seul idiot à ne pas s'enrichir facilement le ronge et que ses bons amis le lui rappellent, narquois. Dans un manuscrit retrouvé en 2005, le philosophe et médecin grec Galien commentait la perte de ses biens dans l'incendie de Rome, en 191, de la façon suivante : « L'homme sage doit se remémorer sans cesse ce qu'il est susceptible de subir afin de supporter avec mesure le malheur s'il se produisait. » Spéculateurs invétérés , faites vôtre cette pensée !

 

Je sais calculer les mouvements des corps pesants

mais pas la folie des foules.
Isaac Newton, après avoir perdu une partie de sa fortune en 1720 après le krach de la South East Company.

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