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SUISSE ET FIN

Il ne s’agit pas d’aborder ici le thème des sociétés multinationales. Elles ne disposent pas des mêmes moyens, ne possèdent pas les mêmes contraintes et ne poursuivent pas les mêmes objectifs que les particuliers fortunés. La réalisation de montages fiscaux sophistiqués s’inscrit dans le cadre d’une optimisation des règles de fiscalité internationale. Le propos est de s’interroger sur les conséquences d’une expatriation fiscale pour les personnes physiques.

 

L'évasion au prix de la liberté.

Les Français prospères considèrent que le montant de leur impôt est confiscatoire. Sans parler de leurs concitoyens qui les toisent d’un œil à la fois louche et envieux bien qu’ils participent le plus à l’effort national. A la fois angoissés de quitter leur terre natale et confiants dans la promesse de la vie nouvelle qui les attend au paradis helvète, ils mettent une croix sur la France. Sorte de « boat people », ou plutôt de « jet people » à la recherche d’un hypothétique salut fiscal. Ironie du sort, l’exil est finalement le lot commun des très riches ou des très pauvres.

 

Le chemin de croix Suisse.

Confortablement installés au royaume du chocolat, et en situation parfaitement régulière, nos ex-compatriotes déambulent de leur chalet à la banque et de la banque à leur chalet. La première crise de foie intervient le jour du gala de charité au profit de la Croix-Rouge. Leur voisin de table, jovial jusqu’alors, a semble-t-il le vin jaune mauvais. Il vient de révéler qu’il est le ponte suisse de l’ISF. Eh oui, cet impôt existe aussi au pays de la raclette ! Seule solution alors, ouvrir un nouveau compte officieux cette fois. Juste le temps de découvrir la relativité de la richesse. Eux qui se considéraient vraiment riches figurent parmi les plus pauvres des Schwytzois ! Leur 4 x 4 flambant neuf n’arrive pas à la hauteur de la calandre de la Maserati Quattroporte de leur pourtant modeste voisin. Les riverains les lorgnent d’un œil aussi louche que leurs anciens copropriétaires français... mais pas du tout envieux cette fois-ci, bien au contraire !

 

Des billets de retour pour devise.

Les voyages à Paris deviennent alors des bouffées d’oxygène bien moins onéreuses, frais de transport inclus, qu’un séjour dans le canton de Zoug pourtant tout proche. Les paisibles et verdoyants paysages d’Oensingen ne contribuent pas vraiment au sevrage des rassurantes effluves maternelles de chlorofluorocarbones parisiens toute considération écologique mise à part bien sûr. Alors, sans retenue, ils reviennent à la source, histoire de se rassurer aussi sur leur niveau de richesse et de pouvoir faire admirer ce fameux 4 x 4 que personne ne regarde dans ce foutu pays de Suisse. Tant pis finalement s’il est rayé par un envieux de Français ! IIs franchissent ainsi sans coup férir la frontière fatidique des six mois de résidence en France. Pour ne pas se faire pincer ils s’équipent alors de la parfaite panoplie de l’agent secret : cartes bleues soi-disant anonymes, téléphones non identifiables, plaques minéralogiques invisibles en cas de flash, réservation d’hôtel sous de faux noms... Pour finalement avoir la sagesse de faire une croix sur la Suisse plutôt que de se retrouver chocolat à Paris, cueillis par des agents fiscaux français dont la placidité leur rappelle étrangement la vie en Suisse. Transition nécessaire avant de consulter l’avocat organisateur de leur délocalisation pour gérer le contentieux fiscal musclé qui les attend. Et si la plus grande des richesses ne se bornait pas tout simplement à avoir la sagesse de vivre dans le pays que l’on aime, et de dépenser librement et au grand jour l’argent que l’on a gagné en travaillant ?

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